Le rôle des agences de recrutement dans le Programme des aides familiales: Une étude de l'organisation des femmes philippines au Québec (PINAY)

25 avril 2016
Étude sur les travailleuses migrantes et le programme des aides familiales à domicile.

PINAY (Organisation des Femmes philippines du Québec) a produit en collaboration avec Jill Hanley, professeure à l’École de travail social de l’Université McGill, une étude pour mieux comprendre les expériences des aides familiales avec les agences de placement.
 

Cette étude a été présentée par Jill Hanley lors d’une journée organisée par le comité migrant du Front de défense des non-syndiqués (dont le CATHII est membre), la veille de la Journée internationale du travail migrant du 18 décembre 2015, au Centre Justice et foi à Montréal.

PINAY voulait également utiliser le projet de recherche comme moyen de rejoindre les femmes touchées par le programme et appliquer les résultats à leurs efforts de mobilisation collective.

Les aides familiales à domicile peuvent être exploitées par les recruteurs et/ou agences de recrutement ainsi que par leur employeur, d’où le lien avec la traite des personnes.

Voici donc un aperçu de cette recherche.
 

Les répondantes étaient quarante-quatre (44) femmes, toutes originaires des Philippines. La plupart (80%) étaient âgées entre 31 et 45 ans, travaillaient à Montréal, plusieurs d’entre elles dans le quartier de Cote-Saint-Luc.

Une des premières constatations étonnantes de l’étude a été de réaliser que seulement 2.5% d’entre elles se trouvaient aux Philippines lorsqu’elles ont appliqué au Programme des aides familiales au Québec. Elles étaient un peu partout à travers le monde, notamment à Hong Kong, en Arabie saoudite, déjà au Canada, à Singapour, en Israël, etc. Elles s’étaient déjà expatriées pour travailler et aider leurs familles.

Les répondantes ont utilisé 19 agences différentes. La qualité des informations obtenues via ces agences était variable. Ce ne sont pas toutes les agences qui fournissaient des informations sur le Programme canadien des aides familiales (moins de 60%) et sur le type d’employeur (moins de 70%) chez qui elles travailleraient. Encore moins parmi elles donnaient des informations sur les normes du travail en vigueur au Québec (moins de la moitié) et sur la culture locale (moins de 40%).

Le Programme des aides familiales ne permet pas que des frais soient chargés aux travailleuses en vue de leur fournir un emploi. Les agences contournent l’interdiction en présentant les frais exigés comme des frais de formation, formation qui s’avère peu élaborée. Par exemple 33% de celles qui ont payé des frais à leur agence, n’ont reçu aucune formation. Une personne a déboursé plus de 3000$ pour de l’aide pour rédiger son CV. Les participantes n’ont pas été remboursées pour ces frais par leur employeur dans 81% des cas, comme le prévoit pourtant le programme, ce qu’elles ignorent parfois.

Les délais de traitement des demandes de permis de travail par le gouvernement fédéral sont souvent fort longs (6 mois ou plus dans 38% des cas) ce qui augmente le risque que l’employeur n’ait plus besoin de la travailleuse. Pourtant le fédéral s’est engagé à traiter les demandes dans les 6 semaines ou moins.

Seulement 50% des participantes ont travaillé pour l’employeur inscrit sur leur contrat une fois arrivées au Canada et le délai pour trouver un nouvel employeur une fois sur place est parfois long (10 répondantes avaient attendu 8 semaines ou plus) ce qui entraîne son lot de problèmes, comme on peut l’imaginer.

35% de celles qui n’avaient pas d’employeur à leur arrivée ont été logées par l’agence, dans des conditions pas toujours idéales  -- 2 répondantes ont rapporté avoir dû vivre à 6 dans un appartement, 1 personne vivait à 12 personnes dans un logement… -- des frais d’hébergement leur étaient parfois demandés. Les autres ont été hébergées chez des amis ou de la famille.  

En conclusion, 54% des participantes ne croyaient pas que les agences protégeaient leurs droits et 77 % souhaitaient qu’une meilleure législation vienne mieux protéger leurs droits.

Les modalités du nouveau programme  
 

Mis en place en novembre 2014; le Programme des aides familiaux résidents (PFAR) a été remplacé par le Programme pour les travailleurs étrangers temporaires (PTET).  Il n’y a plus d’obligation d’habiter chez l’employeur. Par ailleurs, il n’est toujours pas possible pour l’aide familiale de changer d’employeur, selon son gré.

La donne a cependant beaucoup changé car le nouveau programme ne mène plus clairement à l’obtention de la résidence permanente au Canada après deux ans de service comme auparavant, ce qui constituait souvent une motivation très importante des femmes qui venaient travailler au Canada dans le cadre de ce programme.

Un nombre limité de personnes qui participent au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) recevront la résidence permanente.

Chez les aides familiales, elles sont maintenant divisées en deux catégories :

  • celles qui travaillent à la garde d’enfants
  • celles auprès de personnes ayant des besoins médicaux élevés
     

Le nombre de permis de travail accordés n’a pas de limite (actuellement autour de 11,000 par année) mais le nombre de résidences permanentes est plafonné à 5500 par an.

Ici au Québec, le gouvernement a décidé de ne plus participer au Programme des aides familiales, ce qui remet en question la possibilité de résidence permanente pour les femmes qui migrent pour ce type de travail.

Les agences de placement n’informent pas toujours clairement les femmes à ce sujet. Plusieurs croient toujours qu’elles obtiendront le droit de rester au Canada après 2 ans de services.

Vous trouverez des informations plus complètes